• Aster se leva et traversa la salle sous le regard étonné des Herbiers. Il suivit le chef dans un passage sombre menant à une grotte plus exiguë que la première, peuplée de stalactites et de stalagmites mais dans laquelle le jeune Caverneux pouvait tout de même tenir debout. Au centre de la pièce trônaient une table en bois sculpté et quelques chaises. Un lit reposait dans un coin. Sur l’un des murs, le Caverneux aperçu d’étranges symboles impossibles à décrypter. Ils étaient rédigés dans une langue inconnue, et il décida de ne pas y faire attention.

    Le petit homme se dirigea vers la table et s’assit, invitant Aster à faire de même. Le garçon s'installa avec précaution sur la chaise trop petite pour lui, se retenant de poser les questions qui tourbillonnaient dans sa tête sans parvenir à franchir le barrage de ses lèvres. Un temps passa pendant lequel le vieil Herbier sembla chercher ses mots. N’y tenant plus, le flot de questions jaillit de la bouche d’Aster sans qu’il puisse le retenir :

    << Quelle est cette mission qui vous a été confiée? Pourquoi pensez vous que je suis celui que vous attendiez? Pourquoi dites vous que je peux sauver votre peuple? Quel danger court-il? le pressa-t-il. Déconcerté, l’ancêtre l’examina un moment avant de prendre la parole.

    _Je vais répondre à ta deuxième question par une autre : Quel est ton nom?

    _Heu... Je m’appelle Aster... Quel est le rapport? répondit le garçon, surprit.

    _Sais-tu ce que signifie ton nom?

    _Non.

    _On peut le traduire  par « étoile ». Il y a longtemps, mon aïeul avait découvert une prophétie inscrite sur le mur de cette grotte. Ce sont les signes que tu peux voir derrière toi. Ils sont écrits en langage ancien, et il a mis du temps à les déchiffrer. Voici le résultat de ses recherches, dit-il en tendant un vieux parchemin jaune aux bords racornis à Aster. >>

    Le jeune homme se pencha et lut :

     

    « Danger menaçant le Peuple

    Apparition d’une étoile identique et de son contraire

    Sauvera

    TermIner ce qui est commencé car pas prête

    ExpulsEr la solitude

    RendRe la tâche moins lourde à plusieurs

    AloRs les deux Bords se télescoperons

    Et les quAtre séparés seront à nouveau réunis »

     

    Quand il eut finit, son esprit était encore plus embrouillé qu’auparavant. La prophétie lui avait certes apporté quelques réponses, il savait désormais qu’il n’était pas ici par hasard, qu’il était bien celui qu’attendait le Peuple des Herbiers depuis si longtemps et cela répondait du même coup à sa troisième question elle avait aussi engendré de nouvelles interrogations. Qu’est-ce que ça signifiait ? En disant que son nom signifiait « étoile » le chef sous-entendait-il qu’il était l’étoile de la prophétie ? Mais dans ce cas, pourquoi « identique»? Et qui ou qu’est-ce qu’était son contraire? Par rapport à qui? Au Peuple des Herbiers? La fin de la prophétie le préoccupait particulièrement. Qu’étaient les deux Bords? Un autre monde? Ils allaient se télescoper? Mais quand? Quelles en seraient les conséquences? Il soupira. Cette prophétie était incompréhensible. Il se prit la tête entre les mains. Toutes ces informations tourbillonnaient dans son esprit sans qu’il puisse les agencer de façon cohérente. Le sentant au bord de l’explosion, l’aveugle se leva et le raccompagna vers la grande grotte en lui enjoignant de se reposer et lui assurant qu’il continuerait quand il se sentirait prêt. Comme dans un brouillard, Aster sentit qu’on le prenait par la main et qu’on le guidait jusqu’à une couche sur laquelle il s’écroula, éreinté par les évènements de la journée.

    A suivre! :)


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  • Les Herbiers c’étaient immobilisés, psalmodiant d’inaudibles paroles. Aster tendit l’oreille et parvint malgré tout à les comprendre. C’était un nom, Petit-être-chétif-mais-fort-qui-malgré-la-grande-et-violente-tourmente-qui-balaie-chaque-personne-à-un-moment-de-sa-courte-mais-néanmoins-bien-remplie-vie-de-mortel-gardera-toujours-l'-esprit-ouvert-à-ceux-qui-le-méritent-dans-l'-immensité-de-l'-univers-même-s'il-n'-ait-qu'-un-grain-de-poussière. Aster se demanda à qui pouvait bien appartenir ce nom. Peut-être était-ce celui du chef ? Les Herbiers fixaient un point au centre de la salle. Le garçon suivit leur regard et découvrit un Herbier plus minuscule encore que ses compagnons. Il portait une très longue barbe blanche qui couvrait tout son petit corps. Aster tenta de capter sont regard et poussa un cri de surprise : il était aveugle! Les yeux sans vie du chef car Aster savait maintenant que c’était lui s’étaient automatiquement tournés vers lui, comme s’il avait senti son regard. A l’instant précis où leur deux regards _l’un agité et perplexe, l’autre vide mais insistant_ se croisèrent, un contact s’établit. Une voix résonna dans sa tête qui le fit sursauter. << Approche, Etoile du jour nouveau, approche, n’aie pas peur. >> Nerveux, il regarda autour de lui, tenta de localiser l’endroit d’où provenait la voix, en vain. Puis il croisa encore une fois le regard vide du chef et compris que c’était lui. La voix qu’il entendait était la sienne. Elle retentissait dans tout son corps et toute son âme, le troublant même plus que les étranges paroles qu’elle prononçait :

    << Enfin! Te voilà, Etoile du jour nouveau. Je t’ai attendu toute ma longue et pénible vie afin d’accomplir la mission qui m’a été confiée par mon père, qui la tenait de son père qui lui même la tenait de son père... Et ainsi depuis des générations. Et aujourd’hui, alors que ma vie décline et après tant d’années d’attente acharnée, tu apparais. Tu es le porteur de l’espoir et de la destinée de mon peuple, Etoile du jour nouveau, mais il te reste encore du chemin à faire avant de pouvoir comprendre. Mais ne t’inquiète pas, je te guiderai. Tu ne seras pas seul.

    _Une mission? Quelle mission? cria Aster, au désarroi alors que toute la salle se tournait vers lui. Pourquoi dites-vous que je suis le porteur de l’espoir? Je n’ai rien à voir avec votre peuple, je ne suis que de passage!

    _Cesse de crier comme ça et approche, nous allons parler dans un endroit plus calme. reprit la voix du chef dans sa tête. Et tu as bien plus à voir avec notre peuple que tu ne le crois, ajouta-t-il calmement. Mais viens, je vais t’expliquer. >>

    A suivre! :3


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  • Aster constata alors que d’autres tuyaux partaient de la poche et sillonnaient la grotte, semblables à des vaisseaux sanguins. Ils alimentaient une flore luxuriante composée d’arbustes mais aussi de magnifiques orchidées qui s’accrochaient à la paroi, et des lianes pendaient du plafond, permettant aux Herbiers de passer d’un bout à l’autre de la salle. Des alvéoles creusées à même la roche avaient été aménagées de façon à accueillir plusieurs individus. Le jeune homme revint au puits et le fixa plus intensément. Il blêmit. C’était  le lac! Juste au dessus de leurs têtes, une  colossal quantité d’eau tenait il ne savait comment, menaçant à tout moment de se déverser dans la salle et de tous les engloutir. Comment les Herbiers pouvaient-ils ne pas  réagir? Comme s’il lisait dans ses pensées, Brin d’Herbe se tourna vers lui et expliqua que la poche tenait grâce au chef. Cela faisait partie de ces pouvoirs de faire tenir le champ de force magique qui maintenait l’eau du lac hors de la caverne. C’était aussi grâce à lui que les plantes pouvaient vivre en tenant aux parois et que les Herbiers n’étaient pas obligés de remonter à chaque fois qu’ils avaient besoin d’eau. Ils se servaient directement au centre de la grotte. Au centre du site, le garçon remarqua plusieurs tables et chaises disposées en arc de cercle. Lorsque le Caverneux avait pénétré dans la place, les Herbiers présents avaient tout de suite cessé leurs activités. Ils regardaient maintenant d’un œil suspicieux l’intrus s’avancer d’un pas hésitant vers le milieu de la salle, encouragé par Brin d’Herbe.

    Les plus téméraires s’avançaient vers Aster mais reculaient, dès qu’il se retournait, restant farouchement à distance. Petit-brin-d’herbe-coupé-qui-vole-à-longueur-de-journée-dans-la-Grande-Prairie marcha vers un coin de la salle et fit signe au jeune garçon de s’asseoir dans une des cavités située à même le sol. Il remarqua que la niche comportait plusieurs meubles, dont des chaises et une table plus ou moins ronde. Il lui apporta de quoi se restaurer, attendant pendant qu’Aster avalait goulument la nourriture. Une fois rassasié, le petit homme lui proposa de se débarbouiller, et le garçon accepta malgré sa réticence. L’Herbier lui donna une jatte remplie de l’eau claire du lac. Il y plongea la tête. Le contact avec le liquide glacial lui donna de l’énergie et il se senti près à soulever des montagnes. Il sorti rapidement la tête du récipient et se sécha. Brin d’Herbe l’informa que le chef aurait bientôt fini sa sieste et qu’il allait le rencontrer. Plein d’appréhension, le jeune Caverneux se demanda qui était ce chef capable d’un champ magique aussi fort que celui du puits. Ce doit être un personnage important, pensa-t-il. Brin d’Herbe lui avait assuré qu’il saurait s’il était un espion. Un frisson le parcourut, même s’il savait qu’il ne risquait rien. Il n’était pas un espion ! Il observa l’activité de la grotte qui avait reprit son court. Comment le chef allait-il s’y prendre? Aster fut tiré de ses pensées par l’agitation soudaine qui avait gagné les Herbiers. Il fronça les sourcils. Que se passait-il?

    A suivre!  ;)


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  • Un sifflement strident déchira l’air parfumé du soir. Sierra et ses deux frères se redressèrent. C’était leur père qui les appelait pour le diner. Ils sortirent de l’eau en vitesse, se précipitant sur leurs vêtements. Ils s’habillèrent rapidement et coururent en riant jusqu’au chalet. Leur parents les attendaient, bienveillants. Leur mère, une femme rousse à la chevelure aussi indomptable qu’exubérante que deux yeux d’un vert émeraude attendrissaient, les pressa d’aller prendre une douche, précisant avec un sourire affectueux que l’odeur qu’ils dégageaient aurait suffi à éloigner un phacochère. Leur père, un homme charismatique aux cheveux bruns comme sa fille mais aux yeux d’un bleu turquoise déroutant, cligna de l’œil dans leur direction, souriant malicieusement aux propos de sa femme. La jeune fille, suivie des jumeaux, se doucha en vitesse et rejoignit ses parents pour le dîner qui se déroula dans la bonne humeur générale, Sierra et ses frères ne cessant de se couper la parole pour raconter leur journée.

    Plus tard, avant d’aller se coucher, l’adolescente resta un moment à contempler le magnifique spectacle du soleil se couchant sur la vallée. Elle pensa au début d’histoire qu’elle avait raconté à ses frères près du lac. Elle ne ressemblait pas aux histoires qu’elle avait l’habitude de raconter. Les mots lui étaient venus naturellement et si on lui avait demandé des détails de chaque scène, elle aurait pu les donner sans problèmes tellement le conte lui semblait... réel. Cette découverte la troubla et elle décida de ne pas y penser pour l’instant. C’était sans doute sans importance, se dit-elle alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre ses deux phénomènes de frères qui piaffaient d’impatience sur leurs lits et réclamaient la suite de l’histoire.

     

    Au bout d’un moment, la galerie s’élargit jusqu’à déboucher sur une immense salle éclairée par un énorme puits de lumière parfaitement rond creusé au plafond. Aster s’arrêta, stupéfait. Le puits était formé d’une espèce de poche par laquelle le soleil pénétrait et se réverbérait sur les parois de la caverne. De cette poche partait un long tuyau transparent qui rejoignait le sol et remplissait un creux d’une onde limpide. Le tuyau semblait vibrer. Cette pulsation emplissait toute la grotte, comme un cœur battant la chamade. 

    A suivre! ;)


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  • <<Eh bien, jeune homme! Que viens-tu faire chez les Herbiers? dit-il en s’asseyant sur la poitrine d’Aster. Aurais-tu été envoyé chez nous par ton chef pour voler notre Secret?

    _Quel Secret? De quoi parlez vous? interrogea un Aster pour le moins interloqué.

    _Le Secret que nous protégeons depuis des siècles, nous les Herbiers. lui expliqua le petit homme.

    Il sortit un couteau de la taille d’une lime à ongle d’une de ses bottes et dit <<Tu n’as pas l’air dangereux, même si je n’ai toujours pas bien compris ce que tu venais faire chez nous. >>

    Le garçon se raidit à la vue de la lame de métal qui luisait au soleil de cette fin d’après-midi. Mais il se détendit en voyant le petit homme commencer à scier les liens qui l’entravaient. Aster se redressa et étira ses membres ankylosés. Il avait l’impression d’avoir dormi au moins deux jours.

    << Qui es-tu, en fait? Je ne connais même pas ton nom.

    _Je suis Petit-brin-d’herbe-coupé-qui-vole-à-longueur-de-journée-dans-la-Grande-Prairie. Mais tu peux m’appeler Brin d’Herbe, ajouta-t-il devant la mine perdue du jeune homme.

    _Tous les membres de ta tribu on un nom long comme le tien? demanda Aster.

    _Non, la plupart ont un nom plus long encore, mais tu t’habitueras!

    _Tu crois? demanda le garçon, un poil incertain.

    _Mais oui! lui assura Brin d’Herbe. Viens maintenant, il faut que tu sois présentable quand tu rencontreras notre chef. Je vais te conduire au camp. >>

    L’Herbier se dirigea vers une grande pierre plate qu’Aster n’avait pas remarquée à son arrivée au lac. Une fois au centre, il appuya sur un tout petit cercle et s’écarta prestement de la pierre. Un grondement titanesque emplit l’air, et la dalle s’enfonça dans le sol de façon à former un passage à peine plus grand que trois Herbiers debout les uns sur les autres. Le petit homme s’y faufila, suivit tant bien que mal par le jeune homme. Ils arrivèrent dans une petite pièce obscure assez haute pour qu’Aster puisse se tenir debout. Une fois ses yeux habitués à la noirceur environnante, le garçon remarqua différents boyaux partant de la salle et se perdant dans les profondeurs de la terre. Certains étaient grands comme des balles de tennis. Probablement des terriers de lapins, songea-t-il. D’autres, plus larges, semblaient s’élargir au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la terre. Brin d’Herbe se décida pour le plus large d’entre eux, au grand soulagement d’Aster qui rampa à sa suite dans le souterrain.

    A suivre!


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